C’est dans la tête

C’est là, déjà, une forme de violence médicale : quand les médecins ne trouvent rien, ils affirment, péremptoires, que quelque chose ne va pas dans la tête.

Visite chez Vincent, médecin généraliste. C’est un copain de ma sœur. Son cabinet est un peu loin mais Vincent a proposé de regarder mon dossier. Je m’y rends. Pleine d’espoir. Peut être une piste, un soutien… Pierre m’accompagne.

Le voyage jusqu’à son cabinet est un peu difficile. Je suis tellement KO que je reste couchée sur la banquette arrière pour cette demie-heure de bagnole sur ces routes couleuvrines.
Vincent m’attend. Il me reçoit chaleureusement. Il m’évite l’épreuve des salles d’attente et je lui en sais gré.

Il s’étonne, comme tous les autres, des résultats « normaux » à tous mes examens sanguins : « Aucun marqueur c’est étonnant ».
En parallèle, il diagnostique une mycose buccale et m’ordonne un traitement à base de Trifulcan. « Dans cinq, six jours, il n’y aura plus rien », ajoute-t-il (occultant ainsi tout effet secondaire des médicaments).

Le temps qu’il prend pour moi me fait du bien.
Il me prescrit quelques examens sanguins. « Pour vérifier qu’on passe pas à côté d’autre chose. » Je suppose qu’il a son idée. Il ne dit pas quoi. Je laisse couler…

Entre médecins on se comprend

Avant, ma venue, explique-t-il, il a téléphoné à l’interne du CHU de Marseille. «Nous sommes resté longtemps au téléphone, elle semble très investie ». Fort bien ! Mais je ne saurais rien de plus de leur conversation.  Il n’est pas question de m’associer au diagnostic.

Dans mon fort intérieur je bous. La docteure de Marseille est très investie ? Contente de le savoir. Pour la joindre je dois, moi, passer par le secrétariat et montrer patte blanche : expliquer en quoi il est important de la déranger. Pour décrocher, invariablement, la même réponse. « Je le lui laisse le message. Elle vous rappellera ». Ce qu’elle ne fait d’ailleurs pas, ou trois jours plus tard.

On ne vous a jamais dit l’énergie qu’il faut rassembler pour convaincre au téléphone ! La voix tout d’abord : Pas trop fatiguée, on va vous balader ! Pas trop sûr de soi. Vous n’auriez pas l’air malade, et on va considérer qu’il n’y a pas urgence. Préparez-vous aussi à avoir l’esprit de répartie. À ramifier les questions. À insister… À dire: « mais encore ? Que faut-il comprendre ? Vous voulez dire quoi exactement ? » Mieux vaut être en très bonne santé pour appeler un soignant !

Comme pour me rassurer, Vincent m’indique que dorénavant il possède le numéro de portable du docteure de Marseille. Une étincelle de pensée me traverse : « Pas moi ! ».

Hospitalisation d’urgence

En ma présence, il appelle l’hôpital à Marseille. Il convient avec le service d’une hospitalisation d’urgence pour… vendredi en huit. Un vendredi ? Je tique. Je renâcle juste un peu mais Vincent m’explique qu’on va me changer de traitement dès mon arrivée. Le week-end ne sera donc pas du temps perdu.

Je suis fatiguée mais lucide. Je sais pertinemment que jamais les choses ne se passent ainsi. Je pressens bien qu’il a plutôt une histoire de lit à occuper le week-end pour être payé par la sécu. Mais je n’ai pas la force de me défendre, la fatigue me tient au bord des larmes. J’acquiesce.

J’acquiesce tout en réalisant déjà, qu’on ne me traite pas en adulte.  Que ce sont-ils dit Vincent et l’interne dans leur conversation privée ? Il faut vraiment dix jours d’attente pour une hospitalisation d’urgence ?

La question en trop

« Est-ce que je peux boire du pamplemousse avec la Salaxopirine ? »[c’est un immunodépresseur]. La question m’est venue comme cela, sans doute parce dans notre jardin les arbres sont chargés d’agrumes ou encore parce que c’est la seule chose qui me fait envie, à moi qui n’ai envie de rien.

Vincent esquive : «  il vaut mieux éviter tous les agrumes. Trop acide. Ton estomac est assez agressé comme cela avec les médicaments. D’ailleurs je vais te prescrire de Epraxol.. « On ne t’a pas prescrit d’Epraxol jusqu’à présent ? ».

Encore un médicament ? Encore à l’aveuglette ? Je ne réponds pas. Il est trop gentil avec moi Vincent et je n’ai pas envie de le fâcher. Pour les médicaments incompatibles avec le pamplemousse, je regarderais sur internet.

Je sors du cabinet, la salle d’attente est pleine. Les gens me regardent l’œil soulagé que la porte se soit enfin ouverte. Vincent m’a consacré une heure de son temps.

C’est dans la tête

Trois jours plus tard Vincent rappelle. Il a les résultats des examens. Mais ce n’est pas moi qu’il rappelle, c’est Pierre. Sans doute a-t-il estimé que je ne suis pas totalement mature pour discuter avec moi.

Cela m’insulte mais je n’ai guère la pêche pour lui voler dans les plumes.

Depuis deux jours, je regarde le plafond de ma chambre : impossible de me dédier à la moindre activité. J’ai bien essayé de sortir un peu hier. J’ai parcouru 50 mètres à la force du mental. Je n’ai plus d’énergie. Mes yeux se ferment seuls (j’apprendrais plus tard que cette fatigue redoublée est due à l’effet des antifongiques ; les champignons en mourant libèrent des toxines ; on a oublié de m’en prévenir).

Mais Vincent a l’explication : « les examens ne montrent aucune anomalie. Il faudrait voir du côté du moral, il n’est pas exclu que ce soit dans la tête », développe-t-il en toubib averti.
Ah non… pas lui !

Mais si… !

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